Ca part d'un bon sentiment...mais c'est cruel!
Quand je fais du vélo d'appartement, je me positionne face à la fenêtre et pour passer le temps, je regarde ce qui se passe à l'extérieur. Depuis quelques années, j'ai laissé pousser ce petit rideau de lauriers-thym qui s'étaient semés tout seuls.
Si je dis "rideau", je pourrais aussi bien dire "coupe-vue" parce que c'est l'effet recherché face à une voisine un peu trop curieuse qui a une vue plongeante sur l'arrière de notre maison et ce qui s'y passe. Ce coupe-vue doit être efficace parce qu'elle n'arrête pas de me conseiller de nettoyer mes extérieurs et de couper ces petits arbustes sauvages qui font désordre. Les lauriers-thym fleurissent au printemps et se couvrent ensuite de petites baies sombres que les oiseaux viennent picorer l'hiver. C'est ce spectacle d'oiseaux voletants dans ces petits buissons qui m'accompagne pendant ma séance pédalage. J'y vois donc souvent un couple de rouge-gorge et un autre oiseau minuscule que je n'arrive pas à identifier...
C'est là que j'entre en scène, moi, La Chatte
Je passe mes journées derrière la maison à me prélasser au soleil sur le mur mitoyen. Par la fenêtre, je La regarde pédaler sur son vélo qui n'avance pas. Je ne sais pas où Elle compte aller comme ça, mais Elle n'est pas là d'y arriver. Elle ne me voit pas. Elle regarde, tout comme moi je les guette, ces idiots de piafs qui sautillent de branche en branche dans les buissons. Si je n'étais pas si somnolente et si douillettement installée, je m'amuserais bien un moment avec eux. Je l'entends sans arrêt se demander de quelle espèce peut bien être le tout petit. Il va encore falloir que je me dévoue pour le lui apprendre. Pas moyen d'être tranquille, je vais devoir me mettre en chasse...
J'ouvre la porte d'entrée et au moment de mettre le pied sur le paillasson, je le laisse en suspend pour ne pas écraser un tout petit oiseau étendu dessus. Il git les yeux fermés, son petit corps tressautant à peine. Je me baisse pour le ramasser. En me relevant, je vois La Chatte, tranquillement assise sur son arrière-train, qui me regarde toute fière de son cadeau. "Ah, non, sale bête! Les souris, oui, tu peux les tuer. Après tout c'est ton rôle. Mais tu ne touches pas aux oiseaux". Je crois qu'elle a compris que je n'étais pas très reconnaissante de son offrande parce qu'elle a détallé sans demander son reste. Je suis rentrée dans la maison avec mon cadeau agonisant. J'ai alors pris le temps de l'observer. Il ressemblait à une minuscule mésange mais avec une toute petite raie colorée sur le sommet de la tête.
Je l'ai pris en photo dans le but de rechercher de quelle espèce pouvait bien être cette petite merveille. J'ai envoyé cette photo à ma fille qui m'a aussitôt informée que c'était un roitelet qui gisait au creux de ma main. Roitelet, peut-être, mais roitelet en piteux état. Qu'est-ce que j'allais bien pouvoir faire de lui? En attendant de trouver une solution, je l'ai déposé dans un petit carton dans la cuisine. Il a alors ouvert les yeux et s'est mis à sautiller pour finir par prendre son envol, me laissant un brin interloquée. Il jouait le mort en fait pour que La Chatte l'oublie. Il s'est envolé vers le couloir et je ne l'ai plus vu. Quelques temps après, je l'ai entendu gratouiller et l'ai découvert perché sur le placard du couloir. J'ai alors ouvert la porte d'entrée et écarté la moustiquaire pour lui permettre de sortir. Dehors, dans l'arbre devant la terrasse, il y avait un autre oiseau que je ne voyais pas, mais qui paraissait l'appeler. Il a lui aussi chanté une fois et essayé plusieurs fois de s'envoler mais sans réussir à viser. J'ai donc fermé la porte d'entrée et suis allée ouvrir la fenêtre de la chambre où j'ai l'habitude de faire du vélo d'appartement. S'il s'agissait, comme je l'imaginais, du minuscule oiseau que j'ai l'habitude de voir par la fenêtre dans le buisson de laurier-thym, il allait reconnaitre son territoire et n'avoir qu'une envie, c'est d'y retourner. Après plusieurs tentatives plus productives, il a finalement réussi à négocier son envol et à se poser sur le buisson.
Il est resté là un moment , le temps de se remettre de ses émotions puis il s'est envolé plus loin en lieu sûr. Ca fait quelques jours que cette histoire est arrivée. Depuis, chaque fois que je vois un roitelet voleter dans le buisson derrière la maison, j'espère que c'est lui et qu'il n'a pas trop souffert de ses mésaventures...
Et bien, comment qu'Elle l'a accueilli mon cadeau! Je veux lui rendre service et en plus je me fais traiter comme du poisson pourri. Ca vous dégouterait de venir en aide aux gens. C'est pourtant bien grâce à moi qu'Elle sait maintenant quel nom lui donner à ce ridicule piaf...